Giabouranis c. Aux Rythmes des saisons inc. (2014 QCCS 5579)
Jeudi le 26 février 2015
Sur le caractère libératoire d’une offre de remplir son obligation contractuelle
Dans l’affaire Giabouranis c. Aux Rythmes de saisons inc., rendue le 18 novembre 2014 par l’Honorable Juge Danielle Turcotte, la Cour supérieure a eu l’occasion de se pencher à la fois sur le délai donné dans une mise en demeure et sur le caractère libératoire d’une offre de remplir son obligation contractuelle.
Dans cette affaire, le demandeur avait retenu les services de la société défenderesse, une entreprise spécialisée en aménagement paysager pour construire notamment un mur de soutènement sur le pourtour de sa propriété. Alors que les travaux n’étaient pas terminés, le demandeur transmettait une mise en demeure en date du 23 mai 2012 à la société Aux Rythmes des saisons inc. l’avisant qu’une partie du mur de soutènement menaçait de s’effondrer et lui donnant un délai de sept jours pour se rendre sur les lieux et fournir des plans certifiés d’un ingénieur pour corriger l’ouvrage. Sept jours plus tard, le demandeur informait la défenderesse qu’il entendait démolir le mur et le reconstruire à ses frais. Il est à noter que dès la réception de la mise en demeure, la défenderesse avait consulté un avocat et celui-ci avait informé le demandeur que son client avait mandaté un ingénieur en structure. Celui-ci a d’ailleurs examiné le mur et rédigé un rapport dans lequel il proposait des correctifs. Entre temps, le demandeur diligentait des procédures et demandait la condamnation de la défenderesse à lui verser des dommages pour le préjudice subi. Durant les procédures, la défenderesse offrait au demandeur d’effectuer les réparations. Mais cette offre était refusée et le demandeur décidait d’engager un autre entrepreneur, lequel prit la décision de démolir le mur au complet et de le reconstruire.
Après avoir considéré que la démolition du mur ne s’imposait pas et que le mur pouvait être réparé, la Cour a conclu que « le défaut de permettre à l’entrepreneur de le faire [était] fatal ».
Dans un premier temps, la Cour a retenu que le délai de sept jours donné à la société Aux Rythmes des saisons inc. était déraisonnable car « de toute évidence, l’entrepreneur ne pouvait, à l’intérieur d’un si court laps de temps, consulter un avocat, mandater un ingénieur, lui faire visiter les lieux et obtenir le résultat des analyses de résistance du béton à la compression, de même que le rapport final de l’ingénieur », étant donné que « ce sont tous des professionnels ayant un agenda chargé » et sans compter que « le client n’avait aucune idée de l’insatisfaction du client avant de recevoir la lettre du 23 mai ». La Cour en a ainsi déduit que cette lettre ne pouvait « être considérée comme une mise en demeure valable puisque l’une des prescriptions de l’article 1595 C.c.Q. [était] ignorée, soit l’obligation de donner un délai suffisant à l’entrepreneur ». Dans un deuxième temps, la Cour a pris soin de rappeler que « l’article 1595 C.c.Q. mentionne que l’entrepreneur peut toujours, dans un délai raisonnable, exécuter son obligation ». Or en l’espèce, la Cour a considéré que l’offre faite par la défenderesse au demandeur, offre qui consistait à exécuter les travaux en conformité avec les spécifications de l’ingénieur, était une offre bonne et valable et qui constituait « un paiement puisque l’entrepreneur [avait] toujours été disposé à corriger ses travaux ». La Cour a dès lors considéré que l’action diligentée par Giabouranis à l’encontre de la société Aux Rythmes des saisons inc. devait être rejetée.
Cette décision nous rappelle ainsi un principe bien important : il ne faut jamais prendre à la légère une offre faite par un entrepreneur de corriger les travaux qu’il a exécutés. Si cette offre est faite dans un délai raisonnable, elle peut être déclarée bonne et valable et donc libératoire par les tribunaux, rendant ainsi impossible toute poursuite en dommages contre l’entrepreneur.