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Victoire héroïque contre Intact Assurance

Victoire héroïque contre Intact Assurance

Victoire héroïque… un entrepreneur a raison du plus grand assureur du pays !

Jugement complet

Le 10 juin 2019, la Cour d’appel couronne la lutte héroïque qu’a mené l’entrepreneur Éric Cousineau contre le plus grand assureur du pays.

Après un long, pénible et coûteux combat de plus de six ans, la Cour d’appel a infirmé la décision de la Cour supérieure et a ordonné l’indemnisation de l’entrepreneur suite à un sinistre provoqué à sa propriété par un locataire qui y cultivait du cannabis.

En admettant des déclarations extrajudiciaires impliquant l’entrepreneur dans l’activité criminelle alors que leur auteur n’avait pas été contre-interrogé et n’était pas même présent au procès, et de surcroit en fondant sa décision uniquement sur celles-ci, la juge de première instance a erré de façon manifeste et déterminante.

Il s’agit d’un des cas rarissimes et exceptionnels où la Cour d’appel renverse une décision d’un tribunal inférieure après que l’appelant ait invoqué principalement des questions de fait pour attaquer le jugement de première instance.

Cette affaire met en lumière les pratiques de l’industrie de l’assurance, allant des celles des assureurs eux-mêmes, leurs avocats, leurs experts en sinistre, leurs évaluateurs et leurs courtiers d’assurance.

Extraits du jugement

[8] L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 6 décembre 2016 par la Cour supérieure, district de Bedford (l’honorable Suzanne Mireault), lequel rejette l’action qu’il a intentée contre l’intimée, réclamant une indemnité d’assurance et des dommages totalisant 1 066 313,35 $. Les dommages réclamés découlent notamment de l’utilisation d’un bâtiment érigé sur sa propriété par un locataire qui y cultivait du cannabis[1].

[9] L’appelant invoque principalement des questions de fait pour attaquer le jugement de première instance.

[10] Le pourvoi remet également en question la décision rendue en cours d’instance par la juge de première instance d’admettre en preuve à titre de témoignage les déclarations d’une personne qui ne comparaît pas comme témoin. Je suis d’avis que la juge a commis des erreurs à cet égard qui sont manifestes et déterminantes et qui justifient l’intervention de la Cour.

[11] En dernier lieu, l’appelant conteste le refus par la juge de permettre la communication du dossier d’enquête de l’expert en sinistre de l’intimée. Il n’est pas nécessaire de trancher ce point, vu la tardiveté de l’appel de cette décision interlocutoire.

Faits

[12] L’appelant est propriétaire d’un bâtiment à vocation commerciale sis au 19, chemin Milton à Granby. En septembre 2012, à la suite du déménagement de son entreprise dans un nouveau local, il décide de louer le bâtiment. Il conclut un bail verbal « au mois » débutant le 1er décembre 2012 avec un dénommé Patrick Cyr, lequel doit y exercer des activités de « garage esthétique automobile », de vente de produits connexes et d’entretien, entreposage et vente de motos, le tout selon le témoignage de l’appelant.

[13] Il affirme ne pas connaître Patrick Cyr. Il ne fait aucune vérification concernant son identité ou ses activités d’affaires avant de conclure le bail. Il s’avère que le locataire est en réalité un dénommé Patrick Séguin (« Séguin »), individu au passé criminel.

[14] Par l’intermédiaire de son courtier d’assurance, l’appelant modifie la police d’assurance sur le bâtiment qu’il détient auprès de l’intimée. La nature des activités déclarées pour la bâtisse est « garage esthétique automobile ». L’appelant souhaite une assurance tous risques et requiert que le bâtiment soit assuré « valeur à neuf ». La police d’assurance tous risques délivrée par l’intimée et déposée en preuve couvre la période du 30 novembre 2012 au 30 novembre 2014. La protection « valeur à neuf » ne s’y trouve pas.

[17] Le 14 juin 2013, après avoir obtenu un mandat à cet effet, l’enquêteur Alexandre Labrecque effectue une perquisition et constate qu’il y a eu une plantation hydroponique de cannabis à l’intérieur du bâtiment.

[19] L’appelant dépose une réclamation auprès de l’intimée. Celle-ci entreprend une enquête dans le cadre de laquelle l’appelant se soumet à un interrogatoire (la demande de l’intimée ayant été communiquée trois mois après le dépôt de la réclamation).

[20] L’enquêteur policier Labrecque confirme que rien ne laisse croire que l’appelant pourrait être impliqué ou non dans la production de cannabis. Malgré ceci, l’intimée refuse de payer la réclamation et les procédures s’ensuivent.

[21] Le 17 juin 2014, l’intimée dépose une requête afin d’interroger Séguin avant défense afin de vérifier notamment la participation directe ou indirecte de l’appelant dans la production de cannabis. La demande est rejetée séance tenante par l’honorable Line Samoisette, j.c.s., le 8 octobre suivant. Le 3 novembre, l’intimée dépose une requête introductive d’instance en garantie contre Séguin. Les 6 et 10 novembre, Me Jessie Courteau, qui travaille dans le même cabinet que l’avocate de l’intimée, reçoit des appels téléphoniques de Séguin[3], qui confirme son implication et celle de l’appelant dans la production de cannabis. Elle fait part de ses conversations à Mme Archambault, la responsable du dossier auprès de l’intimée.

[22] Le 12 décembre 2014, l’intimée dépose sa défense, dans laquelle elle allègue que l’appelant avait connaissance des activités de production de cannabis et y participait directement ou indirectement. Elle demande que la police d’assurance soit déclarée nulle ab initio.

[25] Le 4 octobre 2016, la juge de première instance autorise, à la demande de l’intimée, un mandat d’amener contre Séguin, qui ne s’est pas présenté au palais de justice bien qu’il ait été assigné à comparaître. À la suite des démarches infructueuses pour exécuter le mandat d’amener, l’avocate de l’intimée présente le 11 octobre une demande pour permission de produire l’enregistrement des conversations téléphoniques entre Séguin et Me Courteau et leur transcription sténographique officielle à titre de témoignage. La juge de première instance accueille la demande le 17 octobre. Les déclarations sont admises à titre d’aveux extrajudiciaires dans la demande en garantie et à titre de déclarations extrajudiciaires d’un témoin dans la demande principale[4].

[28] La juge explique ensuite les éléments dont elle tient compte dans son analyse de la valeur probante à accorder aux déclarations de Séguin, notamment le fait qu’il s’agit d’un individu criminalisé ayant usé de faux-fuyants. Elle souligne également la façon dont ses déclarations ont été obtenues, précisant que Me Courteau « s’est promenée sur le fil du rasoir » et a tenu des commentaires « parfois tendancieux et disgracieux ».

[29] Il faut noter que les déclarations extrajudiciaires de Séguin lors des conversations téléphoniques avec Me Courteau constituent la seule preuve directe de l’implication ou de la connaissance de l’appelant de la culture de cannabis dans le bâtiment.

[31] Finalement, la juge de première instance considère que l’intimée a démontré que l’appelant, en toute connaissance de cause, a omis de déclarer que son locataire se livrait à la culture de cannabis et, considérant qu’il était lui-même un des instigateurs de ce projet, elle déclare la police d’assurance nulle ab initio[12].

Question en appel

[33] La question principale est celle de l’admissibilité des déclarations extrajudiciaires de Séguin à titre de témoignage puisque, une fois éliminé ce qui est le pivot du jugement, celui-ci tombe et doit en conséquence être infirmé.

Discussion

a) Admissibilité des déclarations extrajudiciaires de Séguin

[37] Règle générale, le témoignage, pour faire preuve, doit être contenu dans une déposition faite à l’audience ou lors d’un interrogatoire dont la transcription est déposée en preuve. La déclaration extrajudiciaire enregistrée ou écrite d’un témoin est inadmissible en preuve lorsque son auteur n’est pas appelé à témoigner et ainsi susceptible d’être contre-interrogé par la partie adverse, à moins que celle-ci n’y consente[13]. Le ouï-dire est donc a priori inadmissible en preuve. Cette règle d’exclusion est justifiée par la difficulté d’en vérifier la fiabilité et répond à l’intérêt qu’a la société de découvrir la vérité et de maintenir l’intégrité du système judiciaire[14].

[42] L’appelant insiste lors de l’audience d’appel sur le fait que la juge n’aurait pas dû permettre cette preuve puisque l’identité de Séguin comme étant la personne discutant avec Me Courteau au téléphone n’a pas été établie. À mon avis, l’appelant soulève deux autres moyens, plus convaincants, qui m’amènent à conclure que ces déclarations ne satisfont pas les conditions de fiabilité et procédurales exigées par l’article 2870 C.c.Q.; la demande que les enregistrements soient admis à titre de témoignage était, en l’espèce, tardive.

(i) Tardiveté

[43] La juge de première instance conclut que l’avis préalable donné par l’intimée, une fois la preuve de l’appelant déclarée close, est conforme aux critères de l’article 2870 C.c.Q. et que les enregistrements peuvent être déposés en vertu des règles de la Cour supérieure[19]. Appliquant des facteurs jurisprudentiels[20], elle indique, à propos de la tardiveté de la demande[21], que les propos de Séguin étaient déjà allégués dans les procédures (défense et demande en garantie) et que l’appelant ne peut donc affirmer être pris par surprise, bien qu’il n’ait pas su que les déclarations avaient été enregistrées. Elle estime qu’il n’y a donc pas de préjudice pour l’appelant, contrairement à l’intimée si permission lui était refusée. La juge note que l’intimée croyait que Séguin témoignerait, et qu’elle n’a « rien à dire sur la conduite du dossier par les avocats »[22]. Elle précise que la production des déclarations ne déconsidère pas l’administration de la justice « bien que je ne vous cacherai pas qu’il en a été [sic] fallu de peu pour que ça le devienne »[23].

[44] Sauf circonstances exceptionnelles, l’avis prévu à l’article 2870 C.c.Q. doit être donné avant le procès, soit avant la mise en état du dossier de première instance. La simple lecture de l’article 2870 C.c.Q. le confirme. Règle générale, l’avis doit être préalable à la production de la déclaration de dossier complet accompagnant la demande d’inscription pour instruction. Le Code de procédure civile de 1981[25] et l’adoption du nouveau C.p.c. en 2014 n’était certainement pas une volte-face.

[46] En l’espèce, l’intimée et/ou du moins ses avocats savaient ou auraient dû savoir bien avant le procès que Séguin ne comparaîtrait pas devant le tribunal; ils doivent assumer la responsabilité d’avoir choisi de ne pas déposer les transcriptions plus tôt. De plus, une lecture de ces transcriptions révèle qu’il était hasardeux de compter sur Séguin pour dire la même chose à la barre des témoins qu’au téléphone. La nécessité des transcriptions pour pouvoir contredire Séguin comme témoin hostile était certainement une possibilité prévisible pour l’avocat raisonnable. Voilà une autre raison, en l’espèce, pour déposer les transcriptions au dossier avant le procès.

[47] En raison de la nature hautement préjudiciable pour l’appelant des déclarations de Séguin, j’estime que la demande faite très tardivement par l’intimée, bien qu’elle ne le prenne pas complètement par surprise, le « prive […] de l’arme inestimable du contre-interrogatoire qui a toujours été un des points d’appui de l’équité devant nos tribunaux »[27].

[48] L’on ne peut oublier que l’enregistrement faisait partie du dossier d’enquête de l’intimée et, en conséquence, son dévoilement a été refusé sur la base du privilège relatif au litige invoqué par l’intimée. Il est bien ironique de vouloir déposer cet élément en preuve, sans avis préalable conforme, après avoir invoqué le privilège en empêchant ainsi la communication et cela apparaît comme un stratagème. En effet, lors des échanges en salle de cour, la juge de première instance constate cette approche stratégique. Vu les considérations relatives à un processus équitable codifiées à l’article 20 C.p.c., une telle stratégie ne devrait pas échapper à la sanction judiciaire.

[49] À mon avis, la juge a commis une erreur révisable en concluant que l’avis donné après que l’appelant eut clos sa preuve en demande était suffisant.

[50] En conséquence, les transcriptions des conversations entre Séguin et Me Courteau n’auraient pas dû être admises en preuve. Cela étant, il n’y a pas d’autre preuve directe de la connaissance ni de l’implication de l’appelant dans la culture du cannabis sur les lieux.

(ii) Fiabilité

[51] Même si l’on considère l’avis de production comme adéquat, je crois que la juge fait fausse route quant à la fiabilité des déclarations.

[53] Les circonstances de l’espèce ne permettent pas d’atténuer les préoccupations réelles quant au caractère véridique des déclarations admises par la juge[29]. Séguin a insisté à de nombreuses reprises sur le fait que « peut-être [je] ne di[s] pas la vérité », en plus de refuser de fournir une déclaration extrajudiciaire sous serment. Il n’a pas non plus obtempéré à la citation à comparaître au procès, étant d’ailleurs à cette époque introuvable.

[54] À titre de défendeur en garantie, Séguin était certainement une personne intéressée dans le sort du litige. Ses paroles impliquant l’appelant constituent du « self-serving evidence »[30]. Elles font voir sa compréhension que s’il implique l’appelant dans la culture de cannabis, la réclamation de ce dernier contre l’intimée tombe et, en conséquence, l’action en garantie de l’intimée contre lui tombe également. Il exprime à plusieurs reprises lors des conversations sa crainte d’être endetté envers une compagnie d’assurance pour un montant considérable. D’ailleurs, il consent finalement à parler à l’assureur en considération de l’engagement de ce dernier de se désister de l’action contre lui.

[55] S’il est vrai qu’admises à titre d’aveux extrajudiciaires dans la demande en garantie les déclarations de Séguin lui sont préjudiciables, une fois admises à titre de témoignage dans la demande principale, elles lui sauvent la mise en faisant tomber le recours. Il ressort des échanges avec Me Courteau que Séguin connaissait cette conséquence directe. Reste que, selon ses dires, il craignait un retour d’ascenseur de la part de l’appelant s’il le dénonçait[31]. Même si l’on prête foi à cette affirmation, Séguin a également suggéré qu’une garantie qu’il n’y aurait pas de poursuite, ni contre lui ni contre l’appelant, atténuerait ses craintes, garantie que lui a offerte Me Courteau au nom de l’intimée. Cela ne saurait, à mon avis, être suffisant pour conclure que les circonstances entourant la déclaration atteignent un seuil de fiabilité suffisamment élevé.

[56] Tout ceci est passé sous silence par la juge lorsqu’elle décide de l’admissibilité de l’enregistrement et de la transcription. Sa considération se limite au fait qu’il est évident que la déclaration vient de Séguin vu sa connaissance de certains détails et que certains de ses propos ne sont pas dans son intérêt. Elle considère donc les déclarations enregistrées comme fiables. J’estime qu’elle a erré sur ce point. Dans son jugement sur le fond de l’action, la juge conclut que la déclaration de Séguin est crédible « même si ce dernier [Séguin] est un criminel et qu’il a usé de faux-fuyants et montré des hésitations dans ses commentaires à D. Archambault et à Me Courteau, la soussignée est convaincue, selon la balance des probabilités, qu’il a notamment dit la vérité… ». Vu tous ces éléments, les déclarations ne satisfont pas le critère de fiabilité de l’article 2870 C.c.Q. et n’auraient pas dû être admises en preuve.

[57] Finalement, il apparaît à la lecture du jugement entrepris que la juge base sa décision sur un exercice par lequel elle soupèse la crédibilité de l’appelant et celle de Séguin. Par contre, même si elle ne croyait pas l’appelant quand celui-ci niait sa participation ou sa connaissance de la culture de cannabis[33], le fardeau de l’intimée de prouver ce fait n’a pas été satisfait. La seule preuve de ce fait est la transcription des conversations téléphoniques. Devant l’exclusion de celle-ci du dossier et son absence de valeur probante, la juge commet une erreur de droit en concluant à la nullité de la police d’assurance.

[58] L’intimée prétend cependant à l’audience que, même en excluant les déclarations de Séguin de la preuve, la juge aurait de la même façon décidé que l’appelant était impliqué et que la police d’assurance était nulle. À cet égard, l’avocat s’appuie sur certains des motifs énumérés par la juge pour contester la crédibilité de l’appelant; à savoir que la bâtisse est visible de la résidence de l’appelant, que certaines modifications faites au système de ventilation étaient visibles, ou encore que l’odeur de cannabis aurait dû être manifeste. Avec égards, ce n’est pas le raisonnement de la juge, qui met de côté le témoignage de l’appelant et accepte la déclaration extrajudiciaire de Séguin comme véridique (je répète) « même si ce dernier est un criminel et qu’il a usé de faux-fuyants et montré des hésitations dans ses commentaires … ».

[59] Une cour d’appel est mal placée pour tirer des conclusions factuelles des constatations faites par une juge qui n’arrive pas elle-même à ces conclusions par l’entremise de ses propres observations. Surtout, ici, les indices de la connaissance de l’appelant apparaissent vagues si l’on essaie de les placer en contexte temporel. Par exemple, à quel moment l’appelant aurait-il dû remarquer une odeur de cannabis émanant de l’édifice? L’intimée ne réussit pas à me convaincre que la preuve a été faite de la participation ou de la connaissance de l’appelant de la culture de cannabis sans que l’on prenne en considération les déclarations extrajudiciaires de Séguin.

[60] En conséquence, devant l’exclusion de ces déclarations et leur absence de valeur probante, la juge commet une erreur de droit en concluant à la nullité de la police d’assurance. L’appelant aurait dû avoir gain de cause en première instance.

(iii) Risques exclus dans la police d’assurance

[62] La police souscrite par l’appelant assure tous les risques pouvant atteindre le bâtiment assuré, sous réserve des exceptions y étant identifiées.

[63] L’intimée soulève les clauses d’exclusion suivantes dans la police d’assurance, sans pour autant développer ses arguments à cet égard : 2.9 – pénétration de pluie; 2.11 – humidité, variation de température; 2.17 – acte malhonnête ou délit criminel; acte par une personne à qui les biens sont confiés; 2.20 – dommages par la rouille, corrosion.

[65] L’exclusion 2.17, interprétée de la façon suggérée par l’intimée, rend sans effet la couverture de la police. Surtout, l’assuré n’a pas commis d’acte malhonnête et un locataire (Séguin) ne peut pas être considéré comme une personne à qui le bien a été confié considérant que la souscription prévoit que le bâtiment est occupé « par un tiers ».

(iv) Quantification des dommages

[69] Le dossier de première instance n’est pas entièrement reproduit en appel, mais j’estime que la Cour dispose de suffisamment d’éléments de preuve pour trancher les questions laissées sans réponses par la juge[38]. Notamment, le dossier comprend la preuve soumise par chacune des parties relativement au montant des dommages causés au bâtiment, ainsi que la preuve soumise par l’appelant des dommages compensatoires réclamés. Certains éléments de l’analyse de la juge de première instance, tant dans le jugement entrepris que dans ses décisions sur la divulgation d’éléments protégés par le privilège relatif au litige, touchent également à la question des dommages punitifs[39]. Finalement, les deux parties se positionnent sur le fond, référant uniquement à la preuve contenue dans le dossier d’appel.

[71] L’expert arrive à la somme de 43 111,60 $ pour les réparations à neuf, découlant directement du sinistre. Cette somme devra être accordée et non les coûts amortis. Bien que la police n’indique pas la protection valeur à neuf, celle-ci apparaît dans la proposition d’assurance, qui prévaut en cas de divergence[40]. De plus, l’appelant a toujours exprimé sa volonté de faire les réparations qui s’imposent, qu’il n’est pas en mesure d’effectuer sans la réception de l’indemnité d’assurance.

[73] Au chapitre des dommages extracontractuels, l’appelant réclame de l’intimée[42] :

  • des dommages-intérêts punitifs (300 000 $);
  • des dommages-intérêts moraux (135 000 $);
  • des dommages-intérêts pour le retard causé au développement de son entreprise, pour la perte de revenus locatifs et pour la perte de revenus d’emploi (91 500 $);
  • le montant des honoraires extrajudiciaires, ainsi qu’un montant de 50 000 $ pour les préjudices causés par l’abus de procédures allégué.

[74] En substance, l’appelant allègue que la conduite exceptionnellement répréhensible de l’intimée, marquée par l’abus, l’arbitraire, la malveillance ainsi que son « indicible mauvaise foi » dans le traitement de sa réclamation et au cours des procédures judiciaires lui ont occasionné un préjudice autre que le non-paiement de l’indemnité d’assurance.

[75] En l’espèce, la preuve ne permet cependant pas de conclure que l’intimée a intentionnellement privé l’appelant de sa libre disposition du bâtiment sinistré en refusant la réclamation ni qu’elle a intentionnellement porté atteinte à sa dignité ou à sa réputation en alléguant sa connaissance et sa participation à la culture de cannabis y ayant eu lieu. Ces allégations ne constituent pas en soi une preuve de la malveillance de l’intimée[43] qui sera requise pour maintenir une demande de dommages-intérêts basée sur la Charte des droits et libertés de la personne[44]. Dans les circonstances de l’espèce, la preuve ne donne pas non plus ouverture à conclure à une faute civile ayant causé des dommages-intérêts compensatoires ni à un abus de procédure.

Dans la presse écrite, télévisée et sur le web