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32647 BCE Inc., et al. v. 6796508 Canada Inc., et al.

32647 BCE Inc., et al. v. 6796508 Canada Inc., et al.

Devoir des administrateurs d’une compagnie-Recours suivant l’article 241 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions

Le 20 juin 2008, la Cour suprême du Canada, à l’unanimité, a infirmé un jugement unanime de la Cour d’Appel du Québec et autorisé la vente de Bell Canada Entreprises à un groupe mené par Teachers (le fonds de pension des enseignants de l’Ontario).

Les motifs de ce jugement spectaculaire ne sont pas encore connus, mais ils devraient permettre à la Cour suprême de préciser la portée de son jugement dans Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, [2004] 3 R.C.S. 461.

Le litige dans l’affaire BCE concerne les détenteurs de débentures qui ont allégué que le « leverage buyout » par Teachers leur causait préjudice en dépréciant la cote de crédit de leurs débentures. Le financement de l’achat par Teachers provenant surtout de nouvelles dettes grevant le crédit de BCE, ils allèguent que les risques de défaut s’en trouvent augmentés.

Le recours des détenteurs de débentures était basé sur les dispositions du paragraphe 2 de l’article 241 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (ci-après LCSA) :

  • 241. (1) Tout plaignant peut demander au tribunal de rendre les ordonnances visées au présent article.
  • Motifs
    (2) Le tribunal saisi d’une demande visée au paragraphe (1) peut, par ordonnance, redresser la situation provoquée par la société ou l’une des personnes morales de son groupe qui, à son avis, abuse des droits des détenteurs de valeurs mobilières, créanciers, administrateurs ou dirigeants, ou, se montre injuste à leur égard en leur portant préjudice ou en ne tenant pas compte de leurs intérêts :
    1. soit en raison de son comportement;
    2. soit par la façon dont elle conduit ses activités commerciales ou ses affaires internes
    3. soit par la façon dont ses administrateurs exercent ou ont exercé leurs pouvoirs […] [nos soulignés].

La Cour d’Appel se basant surtout sur l’arrêt Peoples a conclu que BCE n’avait pas fait la preuve qu’elle avait considéré les droits des détenteurs de débentures. Comme les motifs du jugement de la Cour suprême ne sont pas encore connus, nous ne savons pas si elle est d’avis que BCE n’avait pas l’obligation de considérer les intérêts des détenteurs de débentures ou si elle est d’avis que la transaction ne donne pas ouverture au recours de l’article 241 LCSA.

Reste que pour tout administrateur d’une société créée en vertu de la loi fédérale, sachez que des recours peuvent être intentés et que les pouvoirs des tribunaux sont très larges. Nous reproduisons ci-après le paragraphe 241(3) LCSA :

  • (3) Le tribunal peut, en donnant suite aux demandes visées au présent article, rendre les ordonnances provisoires ou définitives qu’il estime pertinentes pour, notamment :
    1. empêcher le comportement contesté
    2. nommer un séquestre ou un séquestre-gérant;
    3. réglementer les affaires internes de la société en modifiant les statuts ou les règlements administratifs ou en établissant ou en modifiant une convention unanime des actionnaires;
    4. prescrire l’émission ou l’échange de valeurs mobilières;
    5. faire des nominations au conseil d’administration, soit pour remplacer tous les administrateurs en fonctions ou certains d’entre eux, soit pour en augmenter le nombre;
    6. enjoindre à la société, sous réserve du paragraphe (6), ou à toute autre personne, d’acheter des valeurs mobilières d’un détenteur;
    7. enjoindre à la société, sous réserve du paragraphe (6), ou à toute autre personne, de rembourser aux détenteurs une partie des fonds qu’ils ont versés pour leurs valeurs mobilières;
    8. modifier les clauses d’une opération ou d’un contrat auxquels la société est partie ou de les résilier, avec indemnisation de la société ou des autres parties;
    9. enjoindre à la société de lui fournir, ainsi qu’à tout intéressé, dans le délai prescrit, ses états financiers en la forme exigée à l’article 155, ou de rendre compte en telle autre forme qu’il peut fixer;
    10. indemniser les personnes qui ont subi un préjudice;
    11. prescrire la rectification des registres ou autres livres de la société, conformément à l’article 243;
    12. prononcer la liquidation et la dissolution de la société;
    13. prescrire la tenue d’une enquête conformément à la partie XIX;
    14. soumettre en justice toute question litigieuse.

Ces pouvoirs sont très étendus. Donc, la position d’actionnaire majoritaire et d’administrateur confère beaucoup de latitude, mais encore faut-il agir en respectant les droits et intérêts d’autres parties.