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Avantages et inconvénients de l’incorporation

Avantages et inconvénients de l’incorporation

Responsabilité limitée, économie d’impôts, crédibilité, etc. L’incorporation a son lot d’images avantageuses. Qu’en est-il réellement? Y a-t-il seulement des avantages? Voyons la réalité.

La compagnie provinciale ou fédérale constitue la forme d’entreprise la plus courante. Elle est régie par des lois particulières, notamment la Loi sur les compagnies ou au fédéral, la Loi canadienne sur les sociétés par actions (les deux gouvernements possèdent juridiction). Comparativement à l’entreprise individuelle, deuxième forme la plus courante d’entreprise, la compagnie donne « naissance » à une nouvelle personne dite morale. Juridiquement, une compagnie possède son identité propre. Nous la comparons à l’individu afin de discuter des avantages et inconvénients liés à ce « véhicule » d’entreprise.

Responsabilité limitée

Un avantage majeur est sans doute la responsabilité limitée que procure la compagnie à ses actionnaires. Puisqu’elle possède sa propre identité juridique, l’entreprise incorporée supporte la responsabilité de ses dettes ainsi que des autres obligations découlant des ses opérations. La recherche de la responsabilité de la compagnie par une action en justice doit être dirigée contre la compagnie elle-même. Les propriétaires de la compagnie (les actionnaires) ne peuvent être poursuivis personnellement à l’égard de la responsabilité de la compagnie. Bien que la compagnie agisse par l’entremise de personnes physiques, c’est la compagnie, de façon générale, qui est responsable des dommages causés à une autre personne dans le cadre des activités de l’entreprise.

Prenons un exemple : vous êtes l’actionnaire majoritaire d’une compagnie qui possède une flotte de camions. L’un des camions est impliqué dans un accident causant des dommages à une bâtisse. L’actionnaire ne peut être recherché en justice pour les dommages causés par le camion. Nous excluons bien sûr l’hypothèse selon laquelle l’actionnaire aurait commis une faute « personnelle » impliquant sa responsabilité directe (ex. sabotage, conduite en état d’ébriété) dans l’accident comme toute autre personne. Nous sommes tous astreints à des règles de conduite en vertu des règles générales de la responsabilité civile.

Dans la pire situation, soit celle où l’entreprise ne peut plus faire face à ses obligations financières, la responsabilité des actionnaires est limitée à leur mise de fonds dans l’entreprise. Autrement dit, les actionnaires d’une compagnie mise en faillite perdent ce qu’ils y ont investi, mais ne sont aucunement responsables personnellement des pertes des créanciers de la compagnie.

Les propriétaires de l’entreprise ne supportent donc aucun risque? Non.

En pratique, une nouvelle compagnie obtiendra difficilement du crédit, autant de la part des fournisseurs que des prêteurs. En conséquence, les actionnaires devront souvent « garantir » les obligations de la compagnie et ainsi engager leur responsabilité à titre de caution. Les banquiers exigent régulièrement des cautionnements même pour des entreprises établies depuis de nombreuses années. Les banques n’aiment pas prendre des risques. Elles exigent des garanties et comme la compagnie n’en a pas suffisamment, elles demandent un engagement personnel des actionnaires. C’est un processus de négociation.

Les administrateurs de la compagnie ont aussi certaines responsabilités. Règle générale, dans les petites entreprises, les administrateurs sont très souvent les actionnaires de l’entreprise. Or, les administrateurs se voient imposer plusieurs responsabilités importantes. Voyons les principales :

  • TPS, TVQ, DAS (déductions à la source)
    À titre de mandataire du gouvernement, la compagnie (qui n’a pas le choix d’agir à ce titre) doit percevoir des taxes sur ses fournitures de biens et services et retenir sur les salaires versés à ses employés les impôts et autres contributions des employés. Il est important de savoir que les administrateurs peuvent être tenus personnellement responsables des sommes non remises par l’entreprise. Le « financement temporaire » à même les remises gouvernementales est donc une très mauvaise idée. Mieux vaut retarder le paiement des créanciers réguliers que les paiements aux gouvernements!
  • SALAIRES
    Les administrateurs sont personnellement responsables des salaires impayés aux employés de la compagnie, solidairement avec celle-ci, jusqu’à concurrence de 6 mois de salaire, autant en vertu de la loi provinciale que de la loi fédérale.
  • RESPECT DES TESTS COMPTABLES
    Certaines décisions du conseil d’administration dont le paiement de dividendes, sont soumises au respect de la capacité de payer de la compagnie, à défaut de quoi, les administrateurs peuvent être tenus personnellement responsables des dettes impayées de la compagnie. Ça tombe sous le sens. En pratique cependant, certaines situations peuvent ne pas être faciles à évaluer.
  • LES ADMINISTRATEURS SONT DES MANDATAIRES DE LA COMPAGNIE
    Le Code civil impose aux administrateurs le devoir d’agir avec prudence et diligence ainsi qu’avec honnêteté et loyauté, dans l’intérêt de la personne morale, à titre de mandataire de celle-ci. Des comportements fautifs pourraient engager la responsabilité des administrateurs.
  • FRAUDE, ABUS DE DROIT, ORDRE PUBLIC
    La personnalité juridique de la compagnie ne peut servir de paravent pour masquer la fraude, l’abus de droit ou une contravention à une règle intéressant l’ordre public. C’est la notion de voile corporatif que les tribunaux soulèvent dans certains cas. Cette question a fait et continuera à faire couler beaucoup d’encre. Retenons que bien que la compagnie soit une personne distincte, les tribunaux peuvent intervenir pour rejoindre les individus derrière dans les cas graves.

Économie d’impôts

Une petite entreprise peut bénéficier, sur les premiers 400 000 $, de profits d’un taux d’impôt combiné provincial-fédéral aussi peu élevé que 22 %, soit moins que la moitié du taux marginal (le taux applicable à la tranche d’impôt la plus élevée suivant les tables) maximal d’imposition d’un individu qui lui peut atteindre près de 50 %!

À première vue, on serait tenté de croire qu’il est illogique de ne pas incorporer son entreprise! Il faut naturellement nuancer tout cela. Le premier aspect à considérer est que le taux d’impôt corporatif le plus avantageux n’est pas accessible à toutes les entreprises, mais seulement à celles qui exercent certaines activités. Essentiellement, il s’applique aux revenus d’entreprise exploitée activement (un concept fiscal) et non aux revenus de biens (loyers, intérêts, dividendes). De plus, il faut considérer que si la compagnie désire transmettre ses profits aux actionnaires, il y aura imposition additionnelle des revenus qui parviennent aux actionnaires (dividendes, salaires, prêts dans certaines circonstances). La taille de l’entreprise est aussi un facteur. Par exemple, pour un actionnaire ne générant que 25 000 $ de revenus imposables, les avantages de l’incorporation ,à ce niveau de revenu, sont moindres sinon nuls.

Il ne faut quand même pas sous-estimer les avantages fiscaux de l’incorporation. Les possibilités de fractionnement (conjoint, enfants) et de diversification du revenu (salaires, dividendes, avantages, etc.) sont bien réelles. Comme le taux d’impôt est souvent moindre, l’impôt épargné représente autant de liquidités conservées dans l’entreprise pour l’acquisition d’équipements ou le transfert de surplus sans incidence fiscale dans une autre compagnie. Ce sont des éléments à considérer dans le cadre d’une bonne évaluation des avantages et inconvénients.

Crédibilité et pérennité de l’entreprise

La constitution en compagnie d’une entreprise peut accorder une certaine notoriété à l’entreprise. Pour les clients et les fournisseurs, le fait de faire affaires avec une compagnie dûment constituée peut donner l’impression d’un certain sérieux comparativement à l’entreprise individuelle. Bien qu’il s’agisse d’une perception peut-être mal fondée, elle existe tout de même chez plusieurs personnes. Par contre, des études ont démontré que, statistiquement, les entreprises incorporées demeuraient plus longtemps en affaires et réussissaient mieux que les entreprises individuelles.

La compagnie étant une personne morale, elle possède l’avantage de ne pas mourir comme le font les personnes physiques. La compagnie survit à ses actionnaires et administrateurs. Dans l’optique d’une continuité, ce facteur peut être considéré par les clients, les fournisseurs, les créanciers et les investisseurs. D’ailleurs, la question de la transmission d’une entreprise aux survivants qu’il s’agisse de la famille ou de tiers est une question fort importante où se rencontrent des considérations de différents ordres (familiales, fiscales, corporatives, etc.).

Conclusion

L’incorporation génère dans bien des cas des avantages réels et importants pour l’entreprise elle-même et pour ses actionnaires et administrateurs. Chaque cas est un cas d’espèce. Il faut éviter de généraliser trop rapidement, car les contraintes juridiques, les caractéristiques de l’entreprise, la nature de ses activités, la structure de l’actionnariat, le volume d’affaires, l’identité des administrateurs et des actionnaires, ainsi que plusieurs autres considérations interviennent. Il est donc important de procéder à une analyse des avantages et des inconvénients pour chaque projet et d’obtenir des conseils judicieux à ce sujet. Mieux vaut être bien informé au départ et de s’embarquer dans la grande aventure en toute connaissance de cause que de découvrir sur le tard qu’il eut été préférable et payant d’agir autrement.